Gender Diversity Executive Search
Gender Diversity Executive Search

Pourquoi les hommes ont peur de la mixité ?

Publié le 09 Fév 2023 par Églantine Jamet

Alors que les progrès en faveur de la mixité dans le monde professionnel sont lents, se répand actuellement l'idée que les femmes sont forcément favorisées, au détriment des hommes... D'où vient ce décalage entre réalité et ressenti ?

2023 – Suisse romande – Séance avec le Comité de Direction d’une grande entreprise. Autour de la table 9 hommes, 1 femme. Premier tour de table sur le sujet de la mixité, car le CEO aimerait que les chiffres évoluent, notamment dans le top management. 1 homme sur 2 exprime son inquiétude : « Il ne faut pas aller trop loin », « Dans 10 ans, si ça continue comme ça, il n’y aura plus aucun homme autour de cette table », « Il ne faut surtout pas de quotas ».

2023 – Suisse romande – Formation de cadres dans une banque où la Direction souhaite mettre en place une stratégie mixité. Dans la salle, 80% d’hommes. Premier échange sur le sujet, les réactions sont vives : « On se dit que toutes les promotions vont être données aux femmes », « Il ne faudrait surtout pas tomber dans la discrimination positive ! », « Et les compétences alors ? ».

Ces deux exemples vécus tout récemment reflètent une tendance confirmée par une étude[1] de l’université de Gothenburg, en Suède, réalisée en 2022 auprès de 32’000 personnes dans 27 pays européens, et qui révèle l’hostilité grandissante des hommes aux mesures favorisant l’égalité des sexes dans la sphère professionnelle. Surprise majeure : cette hostilité est particulièrement forte chez les hommes jeunes. Les 18-29 ans apparaissent comme les plus réticents, pensant que cette évolution ne vise qu’à favoriser les femmes et se sentant menacés, notamment quant à leurs perspectives de carrière. Alors qu’on pensait que le départ des « vieux bougons » allait permettre aux inégalités de régresser, et que les nouvelles générations soutiendraient l’égalité de manière presque évidente, la situation semble au contraire se polariser.

Comment en est-on arrivé là ?

Alors que les chiffres évoluent très lentement, que les hommes sont encore largement sur-représentés dans les fonctions dirigeantes, que les derniers rapports scientifiques indiquent un horizon d’égalité entre les sexes dans le monde économique dans 151 ans[2],  d’où vient cette peur et ce sentiment que l’égalité se joue « contre » les hommes ? Dans sa conférence Ted, qui date de 2015, le sociologue américain Michael Kimmel expliquait « Pourquoi l’égalité des sexes est bonne pour tout le monde – y compris les hommes »[3] (si vous ne l’avez pas déjà vue, ça vaut la peine), et déplorait notamment le fait que certains hommes semblaient considérer l’accès aux postes à responsabilité comme un « droit », et ainsi en venir à penser que les mesures favorisant la mixité venaient contrecarrer ce droit. Or, on constate ici un double déni de réalité : d’une part, la non-conscience que différents mécanismes au sein du monde professionnel actuel défavorisent lourdement les femmes ; d’autre part, l’évidence qu’un recrutement ou une promotion n’est un droit pour personne, et ne doit être fondé que sur la capacité à assumer le mieux possible ces responsabilités.

Rééquilibrer le terrain de jeu

Car au lieu de penser une stratégie mixité comme un ensemble de pratiques visant à favoriser les femmes, forcément donc au détriment des hommes, il serait temps de comprendre qu’il ne s’agit pas de cela, mais bien de déjouer les mécanismes qui, encore aujourd’hui, empêchent les femmes de progresser à la mesure de leur potentiel. Le but est donc d’avoir les meilleur∙es aux postes à responsabilité, de recruter ou de promouvoir sur la base des compétences.

Oui oui, des compétences ! Pas en fonction de biais qui font qu’on est rassuré par quelqu’un qui nous ressemble, ou par l’image du « leader » affirmé qu’on a intériorisée. Ni de croyances qui nous encouragent à douter de la compétence de cette jeune femme ou à penser qu’elle sera moins disponible, plus encline à privilégier sa vie de famille. Ni de préjugés qui nous amènent à penser que le candidat saura mieux prendre des décisions difficiles et qu’il constitue un choix moins risqué. Ni encore de réseaux qui font qu’on se rend service ou qu’on imagine des connivences plus évidentes.

Alors il n’y a aucune raison d’avoir peur. Bien sûr, ce sera plus difficile si la compétition se joue entre un plus grand nombre de personnes. Mais si les critères sont plus transparents et promeuvent les personnes qui le méritent réellement, alors ce sera aussi en faveur de nombreux hommes qui, aujourd’hui, ne sont peut-être pas reconnus à leur juste valeur. Sans compter tous les avantages que la mixité apporte aux entreprises, en matière d’innovation, de performance et d’attractivité.

Et puis, développer une culture d’entreprise plus inclusive pour toutes et tous permettra aussi aux hommes d’avoir le choix. Le choix de ne pas tout sacrifier pour leur carrière, le choix de construire un meilleur équilibre de vie, le choix d’assumer leurs vulnérabilités, le choix de ne pas être le premier pourvoyeur du foyer, sur qui tant de pressions reposent.

Et si c’était cela le droit qui est véritablement à conquérir ?

***

[1] Frontiers | Who perceives women’s rights as threatening to men and boys? Explaining modern sexism among young men in Europe (frontiersin.org)
[2] Gender Parity – Accelerators Network (weforum.org)
[3] Michael Kimmel: Pourquoi l’égalité des sexes est bonne pour tous — y compris les hommes | TED Talk

Retour aux actualités